Page:About - Rome contemporaine.djvu/126

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vers. On les accouple deux par deux, et ils s’escriment tour à tour sur un sujet donné, comme les bergers de Virgile. Le texte ordinaire de leurs improvisations est l’histoire ancienne ou la mythologie. Je ne sais pas où ils ont fait leurs études, mais ils galopent sans broncher dans les champs de la fable et de l’histoire, depuis le chaos jusqu’à la mort de Néron. Si l’on épluchait trop soigneusement leurs vers, on y trouverait peut-être quelques anachronismes de détail, mais la poésie couvre tout de son manteau de pourpre et d’or. La prosodie italienne n’impose pas des lois bien sévères ; la rime est facile à trouver dans une langue ou une moitié des mots finit en o et l’autre en a. Mais ce qui m’a le plus étonné dans ces tours de force, c’est le choix presque toujours heureux de l’expression brillante. Le vocabulaire poétique, fort différent du langage familier, s’est conservé, je ne sais comment, dans ces esprits demi-incultes. Un cordonnier qui savait à peine lire nous a débité la guerre de Troie dans le style le plus pompeux et le plus fleuri.

Une mandoline grattée discrètement accompagnait la voix du poëte, car les vers se chantent et ne se parlent pas. C’est une sorte de récitatif rhythmé, une mélopée monotone et ronflante. Les Romains ont la voix haute, sonore, et presque toujours emphatique. Il n’y a pas une syllabe de leurs discours d’apparat qui ne soit accentuée par l’orgueil national. C’est plaisir d’entendre un petit garçon chanter dans la rue :

Auguste empereur romain.

ou

Nous irons au Capitole !