Page:About - Rome contemporaine.djvu/156

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un de mes voisins : c’est qu’il n’est sorti que de gros numéros, et les juifs ont l’habitude de jouer sur les petits. Lorsqu’on amène cinq chiffres au-dessous de trente, il y a fête au Ghetto. » Peut-être les juifs s’imaginent-ils aussi que les petits numéros sont favorables aux petites gens.


Les Romains jouent très-petit jeu ; aussi la loterie n’a-t-elle jamais ruiné personne. Les plus gros joueurs sont les buralistes qui spéculent sur les billets. Ils profitent de ce que le jeu ferme le jeudi soir et quelquefois vingt-quatre heures plus tôt, quand le jeudi est jour de fête. Comme le public se résignerait difficilement à attendre jusqu’au samedi à midi les bras croisés, sans risquer aucune combinaison, l’employé du bureau prend à son compte quelques centaines de billets, et il cherche à les revendre avec bénéfice. C’est alors que l’intérêt personnel, stimulant sans égal, s’ingénie à parer la boutique et à séduire les passants. Toute la devanture est pavoisée de chiffres infaillibles. C’est le terne de la Fortune ; c’est un ambe rêvé par un malade ; c’est un extrait apparu dans les nuages du soir. Souvent l’extrait, l’ambe et le terne infaillibles restent pour compte au marchand ; souvent aussi il se réjouit de n’avoir pu les placer, car il gagne au tirage. S’il perd deux ou trois fois de suite, et que le guignon s’en mêle, il prendra le parti de voyager, après avoir mis honnêtement la clef sous la porte.