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Page:About - Rome contemporaine.djvu/162

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richesse il y a cent ans, suffit à peine aujourd’hui pour constituer une médiocrité décente. Que reste-t-il à l’aristocratie de notre pays ? Elle se distingue encore de la foule par la pureté de quelques types, l’élévation de quelques caractères, l’obstination de quelques préjugés ; mais il faut, bon gré mal gré, qu’elle oublie son mépris héréditaire pour l’industrie, le commerce et la finance, et qu’elle s’adonne aux arts de la classe moyenne.

Cette annexion graduelle de tout un peuple à la classe la plus intelligente et la plus laborieuse est une des causes les moins connues de notre grandeur. Cette bourgeoisie dont nous raillons justement les ridicules et les travers, dont nous condamnons l’égoïsme et l’esprit exclusif, est pourtant la force la plus vivante de la nation française. On a pu décapiter la noblesse en 1793 sans faire grand tort au pays ; si la révolution de 1848, comme on l’a craint un instant, avait décapité la bourgeoisie, c’en était fait de nous. L’empire romain si fortement constitué sous le despotisme démocratique des Césars, n’a pu survivre à la destruction de la classe moyenne : il a péri, faute de bourgeoisie.

Regardez autour de nous : la Suisse et la Belgique, affranchies à des époques bien différentes par le courage de quelques bourgeois, ont formé deux petites nations très vigoureuses, parce que la classe moyenne y prospère et y grandit. Une bourgeoisie riche et puissante est le grand ressort de l’Angleterre et meut cette énorme machine dont les bras enveloppent le monde. L’Amérique du Nord, pays éminemment bourgeois, dévorera incessamment l’Amérique du Sud, peuplée de maîtres et d’esclaves. L’Espagne, abaissée au dernier rang par ses rois et ses