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Page:About - Rome contemporaine.djvu/186

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mode et de nécessité dans le pays. Hier, j’ai pris une calèche chez un grainetier qui loue des voitures, et le cocher se trouvait être un chanteur d’Argentina.

Le théâtre ouvre par un opéra en trois actes, d’un divin maestro dont le nom n’arrivera jamais jusqu’à Paris. Il est maître de chapelle d’un grand-duc microscopique ou client de quelque prince Romain. La toile se lève, le ténor chante un air, le public applaudit. À ce signal, on va chercher dans la coulisse un petit homme en paletot noisette et en cravate à carreaux. Un comédien l’amène devant la rampe, et il salue profondément : c’est l’auteur. On le rappelle, il revient. À la fin de chaque morceau, les applaudissements le font rentrer en scène, une fois, deux fois, trois fois sa pauvre échine n’en peut plus. Ce jeu lui plaît apparemment, puisqu’au lieu de se dérober aux affronts d’une telle gloire, il s’est posté dans la coulisse, comme un laquais dans une antichambre, attendant le bon plaisir du public. Il faut, en vérité, que ses oreilles soient bien affamées, car le voici maintenant qui vient de lui-même, au premier bruit des applaudissements, sans qu’un semblant de violence excuse un triomphe si plat. À sa quatorzième génuflexion, le dégoût me prend, et je sors. Le premier acte était presque fini.

Ce qui peut paraître invraisemblable, c’est l’enthousiasme d’un auditoire payant pour une œuvre médiocre et faiblement exécutée. Les claqueurs n’existent pas ici ; c’est le vrai public qui s’égosille à crier bravo, et bat des mains sans craindre la courbature. Je n’ai pas remarqué que le beau monde prit des glaces ou parlât de ses affaires pendant les récitatifs. Ils écoutent de toutes leurs oreilles et applaudissent de tout leur cœur. Les romains de Rome