Page:About - Rome contemporaine.djvu/193

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dant la pratique. Il se précipita au-devant de nous avec autant de zèle que le meilleur chef de rayon dans un magasin de Paris. Ce ne fut pas sans jeter un coup d’œil d’intelligence au galant homme qui nous livrait entre ses mains.

Une fois qu’il eut pris possession de nos personnes, il nous promena dans un, deux, trois, quatre et cinq ateliers successifs ; il nous expliqua le sujet de toutes ses compositions, nous arrêta devant toutes les statues qu’il avait faites en sa vie, et nous cita le nom de tous les personnages qui en avaient commandé un exemplaire. Telle figure avait été vendue successivement à douze étrangers, et le modèle était toujours là, prêt à servir. On venait tout justement d’en terminer une copie ; une autre était ébauchée, une autre mise au point. J’admirais à part moi la naïveté de nos sculpteurs français qui vendent avec le marbre la propriété de leur œuvre. Les Italiens ne sont pas si fous. Lorsqu’ils vous donnent pour 15 000 francs une Psyché ou un Adonis, ils se réservent le droit de les recopier en grand et en petit, tant qu’il y aura des amateurs pour les prendre.

Je n’aurais rien voulu prendre dans ces magnifiques ateliers, quand on m’aurait tout donné pour rien. Le mauvais goût des compositions rivalisait avec la trivialité des figures et la mollesse du modelé. Sous la main de quarante praticiens habiles, le marbre devenait beurre. Mon Américain, en revanche, était dans l’extase. Ce qui l’émerveillait le plus, c’était la pureté du marbre de Carrare, aussi blanc que le sucre le mieux raffiné ; c’était le poli incomparable qu’un ouvrier armé de la pierre du Bernin donnait à cette matière précieuse ; c’était la perfection avec laquelle les praticiens ciselaient les accessoires, attri-