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200 000 francs dont les intérêts s’ajoutent aux frais généraux de l’établissement. Et si vous voulez votre buste, qui sera certainement un chef-d’œuvre, vous ajouterez trois mille francs au total de la commande. »

L’Américain se laissa convaincre. Le patron fit un signe, et aussitôt un de ses élèves se mit à l’œuvre. Il choisit, parmi cinq ou six bustes ébauchés d’avance, celui qui ressemblait le plus à mon compagnon ; il prit quelques mesures au compas, rentra le front, cassa le nez, ajouta des moustaches, renforça les favoris : après une séance de deux heures, le plus fort de l’ouvrage était fait. « Revenez demain, dit le maître ; c’est moi qui terminerai le portrait en mettant la ressemblance. Nous moulerons demain soir, après-demain nous réparerons le plâtre, et le marbre sera rendu à bord du navire avec vos autres emplettes, le 31 juillet. » Nous sortîmes là-dessus, et le modèle serra la main de l’artiste avec une admiration sincère. Ce qui le flattait surtout, c’était d’avoir affaire à un homme qui maniait de grands capitaux.

« Plût au ciel, ajoutai-je timidement, qu’il maniât aussi bien la terre glaise ! » J’essayai de lui démontrer par une critique éloquente que le plus modeste élève de notre école des Beaux-Arts était un Michel-Ange au prix de tous ces fabricants. Je lui expliquai pour quel motif ils n’avaient rien envoyé à l’exposition universelle : parce que les produits ratissés de leurs manufactures n’auraient pu être rangés que comme des bornes à l’extérieur du bâtiment. Il se bouchait obstinément les oreilles et chantait de sa voix la plus saxonne : Rome, nourrice des arts !