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Page:About - Rome contemporaine.djvu/346

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Nous nous sommes arrêtés à l’auberge de Palestrina. Une petite église ouverte de l’autre côté de la route est inondée. Tous les carreaux sont cassés dans le village. Les paysans se rassemblent autour de nous pour nous dépeindre la grosseur des grêlons et nous conter les ravages de la tempête. On dirait que leur douleur a besoin de s’épancher. Ils ne s’amusent pas à nous donner de l’Excellence par le nez : ils nous tutoient et nous appellent frères.

C’est un lieu commun bien rebattu, la misère du laboureur qui voit périr en un matin le fruit de tous ses travaux de l’année. Quand on rencontre ce développement dans un livre, on est presque tenté de crier à l’auteur : servez-nous du nouveau, pour l’amour de Dieu ! D’ailleurs, nous sommes tellement habitués à voir l’homme se créer mille ressources diverses en dehors de l’agriculture, que nous ne comprenons pas comment quelques poignées de grêlons sur un champ peuvent ruiner une famille entière. Mais quand on a vécu quelques jours au milieu de ces paysans, quand on les a vus partir avant l’aube pour sarcler leur coin de terre, quand on sait qu’ils n’ont pas d’autre bien au monde et que tout leur avoir est là, exposé au froid et au chaud ; enfin lorsqu’on touche du doigt la destruction de leur récolte, lorsqu’on voit leurs figures pâles et baignées de vraies larmes, on s’aperçoit que ce lieu commun est aussi intéressant que le drame le plus nouveau.

Je demandais à un de ces désespérés si les oliviers de la montagne avaient souffert autant que les cultures de la plaine ? Il leva les épaules et répondit : « Qu’est-ce que les oliviers ? Qu’est-ce que la vigne ? Il s’agit de nos blés, qui sont perdus. Quand on n’a pas d’huile, on s’en passe ;