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Page:About - Rome contemporaine.djvu/355

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racontait l’histoire d’une prison évadée en masse, détenus et geôliers, pour exploiter la campagne.

Gasperone ne manque pas d’une certaine bonhomie ; cependant il me parut un peu roide et préoccupé de tenir son rang. Il était debout et nous aussi. Je me reportai involontairement au souvenir de ce prince romain qui disait dans sa morgue hautaine : « Je ne me suis jamais assis devant un homme de la classe moyenne, parce qu’il aurait peut-être fallu le faire asseoir. »

Cependant lorsque je parlai de Sonnino, de Maria Grazia, et des montagnes que j’avais visitées, le vieux brigand s’épanouit et céda au plaisir de parler. Il raconta quelques épisodes de sa vie active et notamment le dernier, qu’il a toujours sur le cœur. Il protesta contre l’illégalité de sa détention. « Car enfin, disait-il, les gendarmes ne m’ont pas pris, je ne me suis pas rendu ; c’est par trahison qu’on s’est emparé de moi. J’avais accepté une entrevue avec le gouvernement pour signer un traité ; on a violé le droit des gens en s’emparant de ma personne. »

Les gendarmes l’écoutaient avec une admiration respectueuse. L’un d’eux lui dit : « De quoi te plains-tu ? tu as fait la guerre et nous ne la ferons jamais. Tu n’as manqué de rien et nous manquons de tout. Tu as été capitaine, et moi qui te garde, je ne serai seulement pas maréchal des logis, car je n’ai ni femme ni fille pour travailler à mon avancement ! »

Après une bonne demi-heure de conversation, je pris congé. Gasperone voulait absolument que j’emportasse un souvenir de lui. Il m’offrit la liste manuscrite de ses homicides, au nombre de 127, si j’ai bonne mémoire. Il