Page:About - Rome contemporaine.djvu/364

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Un bruit de voix m’attira hors de l’église et je vis une procession de chôchars sans leurs chôches. Les malheureux marchaient pieds nus depuis les montagnes des Abruzzes. Hommes et femmes tenaient en main le bâton des pèlerins ; le chef de la bande, un grand gaillard robuste et bien bâti, portait un camail orné de coquilles. La sueur et la poussière découlaient en boue épaisse sur leurs visages hâlés ; ils chantaient à tue-tête un cantique en langue vulgaire. À vingt pas du seuil de l’église et de ces admirables portes de bronze, ils tombèrent à genoux, et c’est en rampant qu’ils y firent leur entrée. Plusieurs d’entre eux, les plus fervents sans doute, léchèrent le parvis depuis la porte jusqu’à la sainte maison qui est au fond de l’église. Arrivés là, ils poussèrent de grands cris, les uns s’accusant de leurs fautes, les autres demandant à la Madone la grâce spéciale qu’ils étaient venus chercher. Une fille assez laide implorait la mise en liberté d’un galérien qui lui tenait au cœur ; un mari sollicitait la guérison de sa femme ; une femme demandait pour son mari je ne sais quoi, mais rien de bon, car elle le dénonçait à la Madone et l’accablait des injures les plus pittoresques. Lorsqu’ils eurent jeté leur premier feu, ils reprirent le cantique interrompu. Le vétéran qui garde, sabre en main, les diamants de la Madone, chantonnait machinalement avec eux. Je n’aurais jamais fini si je voulais énumérer les promenades à genoux, les adorations et les embrassades dont ces malheureux me donnèrent le spectacle. Il faut plaindre les artistes qui ont exposé des chefs-d’œuvre de marbre et de bronze à la dévotion trop caressante des chôchars. Je me rappelle un bas-relief de la Flagellation où le Christ est