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Page:About - Rome contemporaine.djvu/48

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Nous disions donc que la ville de Bordeaux prenait trop peu sur ses revenus pour se faire belle. Il est vrai que les siècles précédents lui ont laissé peu de besogne. Quant aux Marseillais, qui ont tout à créer, ils se démènent comme de beaux diables pour la plus grande gloire de leur pays. Ils n’ajournent rien au lendemain, ils entreprennent dix choses à la fois, ils mènent de front l’utile, l’agréable et le majestueux. Deux ports, un canal, un palais de justice, une résidence impériale, une bourse, une cathédrale, un jardin zoologique ! Je n’oublie rien ? non, rien, si ce n’est l’élargissement de la rue Noailles et de la rue d’Aix. C’est une affaire de neuf millions pour la rue Noailles, et de dix-sept millions pour l’autre ; vingt-six millions pour que les voitures circulent plus commodément à l’entrée de la ville ! Louis XI et tous ses compères décideraient, à l’unanimité, que ces gens-là sont fous.

J’avoue qu’au premier coup d’œil, cette fureur d’entreprendre m’avait presque épouvanté. Je me suis demandé un instant si ce jeune et impétueux Marseille ne gaspillait pas étourdiment ses biens nés et à naître ; s’il ne conviendrait pas de lui donner un conseil judiciaire au lieu d’un conseil municipal. Le budget de la ville m’a répondu.

Les dépenses les plus énormes et les plus folles en apparence se réduisent à rien lorsque celui qui les fait est en voie de prospérité, lorsque tout lui réussit et que l’argent jeté par la fenêtre rentre immédiatement par les portes, suivi de gros intérêts. Les établissements privés qui fleurissent à Marseille prouvent abondamment cette vérité. L’administration des théâtres paye 75 000 francs de loyer par an ; elle donne 5 000 francs par mois à son premier ténor, 2 500 francs à sa basse, 4 000 francs à sa première