Page:About - Rome contemporaine.djvu/97

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ces malheureux sont intelligents, propres aux affaires, résignés, faciles à vivre, et irréprochables dans leurs mœurs.


L’existence d’une colonie de juifs à quelques pas du siège apostolique est une anomalie curieuse. Il serait plus curieux encore qu’elle eût prospéré ; mais non. Le Ghetto est pauvre, et je vais vous dire pourquoi il le sera toujours. Un juif ne peut être ni propriétaire, ni fermier, ni industriel. Il peut vendre du neuf et du vieux ; il lui est permis de réparer le vieux pour en faire du neuf, mais il violerait la loi s’il fabriquait une chaise, un gilet ou une paire de souliers. Enfermés dans le commerce, les juifs parviennent quelquefois à faire fortune, mais ils émigrent aussitôt vers des lois plus douces et un peuple moins méprisant. Ils transportent leurs biens à Livourne, et, à mesure que les particuliers s’enrichissent, le Ghetto s’appauvrit.

Ce n’est pas que le gouvernement soit cruel ni même sévère. La sévérité est dans des lois très-anciennes que le progrès des mœurs et la bonté des papes corrigent un peu tous les jours. Le sang des Hébreux n’a pas coulé à Rome pendant le moyen âge, lorsqu’il inondait l’Espagne et nos provinces. La papauté gardait les juifs comme échantillon d’un peuple maudit, qui doit traîner une vie misérable jusqu’à la consommation des siècles : on se contentait de les tenir à distance, de les humilier et de les dépouiller. On les parquait à la vallée Égérie, à plus de deux milles de la porte Saint-Laurent, à plus d’une lieue