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fermes seigneuriales avaient été fécondés par le nouveau génie de la productivité et des besoins culturels ; l’idée de « liberté » et des « droits de l’homme » conquérait pour lui les bras affranchis des salariés ; l’État « national », érigé sur la banqueroute morale des seigneurs féodaux, lui ouvrait de nouveaux marchés ; la bourgeoisie, — ce véritable cerveau du capitalisme, — veillait sur ses intérêts historiques, révolutionnant consciemment les mœurs, la science et la religion, les lois politiques et civiles, et on pourrait dire que le « fatum » de l’histoire fut définitivement conquis pour le capitalisme par la création finaliste de la bourgeoisie. Un drame analogue de la vie doit se répéter autour de son cercueil, qui est en même temps le berceau du communisme. Toutes les puissances sociales, aussi bien économiques que morales, doivent livrer ici un combat acharné pour la naissance du monde nouveau. À la concentration des capitaux doit s’opposer le démocratisme « idéologique », les hautes exigences culturelles des expropriés ; les droits politiques du peuple, se heurtant contre le monopole économique, doivent arriver à la négation politique de l’État qui soutient ce monopole ; l’idée « de l’émancipation de l’homme », supprimant les préjugés moraux de la propriété et du travail, affranchira en même temps les gigantesques forces de la technique sociale, qui sommeillent aujourd’hui, et sera réalisée par elles. Le fatum aveugle de l’histoire, à ce tournant critique, cherche un nouveau cerveau pour s’y contempler lui-même. Enchevêtré dans la conscience humaine, puisant dans les âmes humaines toute sa sève vitale, sa force d’évolution, il doit obéir aux volontés de cette conscience qu’il a lui-même élevée dans son sein par un long processus spontané, comme produit de la décomposition universelle, comme « idéologie » du prolétariat. Et, arrivé à se contempler lui-même, à se connaître lui-même, le fatum de l’histoire incline humblement la tête devant cette nouvelle conscience dont il s’est couronné lui-même, hésite, nie son existence, attendant le « fiat » décisif de la volonté humaine consciente. Comme la nature inconsciente, arrivée dans son évolution à la conscience de l’homme, se soumet à l’homme, de même l’histoire, arrivée à la connaissance de soi dans l’idéologie de la classe sociale qui est l’expression humaine de ses processus de développement objectif, se soumet à la direction consciente de cette classe. Or, là où apparaît la conscience humaine, l’homme comme être pensant, là s’ouvre aussi un champ libre pour la création finaliste. Le fatum historique du capitalisme, ayant produit la conscience du prolétariat, se nie lui-même ; arrivé au tournant où naît le nouveau monde du communisme, il se révèle comme impuissant et