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mœurs et les doctrines scientifiques. Ici, il est bien facile de voir, que la nature sociale d’un certain concept, c’est son caractère objectif, s’imposant extérieurement, son existence indépendante de l’approbation subjective de sa raison d’être, de l’adaptation à nos sentiments, besoins et pensées. Sans ce stigmate objectif, tout état mental, le plus lié à la vie sociale, ne possédera que le caractère d’un phénomène psychique ordinaire, d’un état de notre conscience, auquel nous pourrons tout au plus accorder une origine sociale, mais rien de plus.

Un attribut spécifique des phénomènes sociaux, qui sans les séparer des phénomènes physiques et psychiques en une troisième catégorie, les distingue néanmoins d’eux, c’est donc comme une synthèse de ces deux caractères : les phénomènes physiques se spiritualisent en devenant sociaux, les psychiques s’objectivent ; les uns et les autres deviennent choses psychiques. — Dans cette combinaison il n’y a rien d’artificiel ; elle ne surgit pas comme résultat d’un travail de la pensée, mais s’impose spontanément à notre intuition. Si dans la vie quotidienne, nous pouvons parfaitement, sans l’aide d’une analyse scientifique, distinguer une « marchandise » d’un objet physique ordinaire, l’argent du métal, mon concept — de la loi, ou mon sentiment — d’un devoir religieux, c’est que, dans le premier cas, les choses brutes nous tiennent le langage des besoins humains, dans le second cas, les états de conscience perçus dans notre intérieur exercent sur nous une pression extérieure, s’opposent comme indépendants de nous, avant que nous puissions nous rendre compte de ces différences. Car, ce double caractère des phénomènes sociaux se présente à l’esprit humain par la voie tout aussi purement intuitive, même lorsque nous ne nous en rendons point compte, que nous ressentons par l’intuition, sans l’aide d’aucun raisonnement, le caractère spatial des phénomènes physiques. C’est le seul indice, qui nous est donné par la nature même des faits sociaux, indépendamment de notre manière de juger et des théories scientifiques dont nous sommes partisans, d’après lequel nous les reconnaissons toujours comme sociaux.

IV

En raison de ce caractère psychico-objectif des phénomènes sociaux, il s’est formé l’hypothèse d’une conscience supra-individuelle