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provenant de la synthèse des nôtres, et distincte de celles-ci, quoique les contenant en soi, comme le produit des éléments chimiques devient un corps différent de ces composantes, ayant des propriétés nouvelles, c’est cette conscience qui serait le terrain propre des phénomènes sociaux, la source d’où ils puisent la possibilité de leur existence, puisque le phénomène social, quoique d’une nature psychique, s’oppose néanmoins à nos états individuels, est indépendant de nous, possède une résistance objective envers notre conscience. D’où provient que notre vie individuelle intérieure n’est jamais entièrement adéquate à la vie sociale ; l’individu juge et sent d’une autre manière que la société. La politique ne correspond pas à la morale des individus ; les individus d’une certaine nation manifestent d’autres propriétés morales que toute la nation agissant collectivement ; les lois et les mœurs dominantes ne sont pas toujours d’accord avec les idées individuelles, même de la majorité des hommes ; les besoins et les capacités sociales, contenues dans les marchandises et les outils, présentent souvent une discordance complète avec les capacités productives et le standart of life des individus.

Cependant, ces deux hypothèses, celle des « sensations élémentaires » se synthétisant en notre conscience, et celle de la « conscience sociale » étant une synthèse des nôtres, qui présentent une analogie si profonde entre elles, sont l’une et l’autre, dès leur naissance, entachées d’un mortel péché philosophique : celui qui consiste à rechercher quelque chose, qui, étant tout à fait étranger et inaccessible à notre conscience, puisse néanmoins servir à expliquer les faits de notre expérience, par conséquent, à expliquer quelque chose qui ne possède de valeur positive de l’existence que comme objet de notre pensée. Toutes les deux semblent oublier cette vérité, que la conscience humaine, par laquelle tout, avec quoi nous avons affaire, manifeste son être, ne peut plus elle-même être traduite en rien ; que, ne pouvant pas connaître des existences libérées de notre pensée, c’est en vain que nous chercherions des explications hors de la pensée humaine, s’efforçant de ramener les phénomènes à l’ultra-phénoménalité. Toutes les deux s’éloignent de l’unique réalité expérimentale, comprise dans la sphère de notre conscience, et vont se perdre dans la métaphysique des « consciences » infinitésimales ou supra-humaines, où tout le contenu des concepts, se trouvant relégué hors de l’intuition, et par conséquent ne pouvant correspondre