Page:Académie française - Recueil des discours, 1850-1859, 2e partie, 1860.djvu/435

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gloire allait nous être donnée, qu’après le dix-huitième siècle on pouvait croire impossible, la gloire d’une poésie lyrique.

Avec quel enivrement pour bien des âmes, avec que bonnement pour toutes, n’avait-on pas entendu une voix, inspirée des grands sentiments qui renaissaient, rendre à notre vers sa mélodie perdue depuis Racine ! La tendresse, l’enthousiasme, la haute contemplation philosophique et religieuse, tel était l’inépuisable fond que cet heureux et noble génie recouvrait de toutes les magnificences du style et qu’il animait d’un accent incomparable. Depuis plus d’un siècle, à part quelques éclairs aussitôt disparus, le persiflage, la licence ou d’arides nomenclatures sous le nom de descriptions, avaient tenu lieu de poésie aux imaginations desséchées. La France accueillit comme une révélation ce merveilleux avènement de la muse lyrique avec les Méditations et les Harmonies.

Un esprit tout différent, mais d’un souffle égal, s’était chargé de rajeunir les formes du vers et de leur imprimer un caractère plus saisissant. La langue poétique retrouvait le luxe nécessaire des couleurs et des images. Cet art de rendre l’idée visible, pour ainsi dire, de contraindre tous les objets de la nature à servir d’interprètes à l’âme humaine, n’était-ce pas là un don chez nous imprévu ? Le puissant écrivain qui nous l’apportait laissera sa forte empreinte dans le style de notre temps.

Combien d’autres voix aimées apportèrent alors à la poésie leur accent original ! Vous les connaissez, messieurs, les plus brillantes vous appartiennent ; l’admiration et l’amitié me les rappellent toutes. Mais c’est aux morts que je dois aujourd’hui