Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/124

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dans cette arène des luttes judiciaires, où retentissent tous les échos de l’opinion, qu’un jour, sans préparation, on apprit qu’il était chrétien, et que, chrétien, il voulait être prêtre. Rien n’expliquait, personne n’avait provoqué cette résolution. Le monde, d’ordinaire, quand de pareils coups le surprennent, met sa vanité à avoir rompu le premier avec ceux qui l’abandonnent. Il leur suppose volontiers quelque mécompte de cœur ou d’amour-propre, le désespoir des passions ou le dépit de l’orgueil déçu. Nulle ombre, nul soupçon ici de ces motifs romanesques ou mesquins. La jeunesse du néophyte était pure et exempte d’orages : la fortune souriait à ses premiers efforts. Il fallut bien croire et convenir que tout s’était passé entre Dieu et lui. Il se convertit, comme les saints, parce que du seuil de la vie et des sommets de la jeunesse, ayant mesuré la terre, elle ne lui avait pas suffi. Quand ses vœux eurent dédaigné le plaisir et dépassé la gloire, que lui restait-il que Dieu seul ? Nul conseiller, nul témoin, nul coup, nul contre-coup des influences contemporaines, ne vint ni précipiter ni retarder son mouvement vers l’éternité. Nul souffle du dehors ne troublait les profondeurs de sa conscience, à ce moment ineffable où, comme dans une eau souterraine qu’un rayon du jour pénètre, vint s’y refléter l’image divine.

Mais précisément parce que nulle influence humaine n’avait déterminé ce tour nouveau de ses sentiments, tous ses rapports avec Dieu se trouvèrent changés sans que la conséquence nécessaire fût pour lui de renverser du même coup tous ses rapports avec les hommes. L’idée ne lui vint pas, par exemple, que pour entrer dans l’Église il fallût commencer par changer de parti : c’eût été à ses yeux faire descendre sa