Aller au contenu

Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

foi des hauteurs si fort élevées au-dessus de la politique, où il avait été la puiser. Sans doute le jour levé dans son esprit projetait sur toutes ses idées une lumière et des teintes nouvelles, mais sans en altérer la direction ni la substance. Ainsi, pensant moins bien, je veux dire moins orgueilleusement de l’humanité en général, il ne crut pas devoir commencer à penser plus mal de son siècle et de son pays par comparaison avec d’autres. La France moderne, telle que les révolutions nous l’ont faite, montrant à son œil mieux dirigé des faiblesses que lui avait jusque-là cachées la gloire, lui parut digne de moins d’idolâtrie, mais non de moins d’amour : comme un noble blessé à guérir, jamais comme un ennemi à combattre. « Je ne veux pas, écrivait-il dès lors à un ami, perdre en devenant chrétien ces idées d’ordre, de justice et de liberté forte et légitime, qui ont été mes premières conquêtes : c’est la religion qui a fait l’Europe moderne. L’Église a parlé de raison et de liberté, quand ces droits imprescriptibles du genre humain étaient menacés d’un naufrage universel. » Trente ans après, sur son lit de mort, il peignait encore de quelques traits de son génie près de s’éteindre toutes ces nuances mélangées aux premières ardeurs de sa foi. « Tout l’homme, disait-il, était demeuré en moi : il n’y avait de plus que le Dieu qui l’a fait. » Puis, parlant tout à fait sans ambages, il ajoutait : « J’étais resté libéral en devenant catholique. »

Par malheur, pas plus au séminaire où il entrait qu’au barreau dont il sortait, l’alliance de ces deux épithètes n’était alors familière à aucune oreille. Le malentendu qui datait des mauvais jours de nos révolutions durait toujours : une religion à qui l’éternité est promise laissait lier sa destinée à