Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/142

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lèvres hardies de l’orateur empêchant le despotisme de créer le silence autour du droit. Ailleurs, ayant à raconter la vie de celui que Napoléon nommait le Sage de la grande armée, et que lui, confondant dans une même formule tous les genres de noblesse, appelait le très-bon, très-grand, très-mémorable soldat et citoyen, Antoine Drouot, général d’artillerie, comte de l’empire et pair de France, il débutait en invoquant les souvenirs du territoire défendu par les levées en masse de la république ; puis il décrivait en quelques mots toute cette lugubre épopée de l’île d’Elbe et de Waterloo, qui attendait encore alors ce qu’elle vient de trouver aujourd’hui, son juge et son peintre ; enfin, par un détour inattendu, il y mêlait un éloge de la fidélité monarchique. Sous cette touche forte et variée, amour de Dieu, de la patrie et de la liberté, gloire et éloquence, noblesse des souvenirs et bienfaits de l’égalité, passé et présent de l’Église et de la France, tout vibrait ensemble dans les cœurs, et de chacun de ces nobles objets montait verd le ciel un même enthousiasme, comme les gerbes diversement colorées d’une seule lumière.

Le cours de ces triomphes oratoires ne fut pourtant pas continu. Pendant sept ans, de 1836 à 1843, Lacordaire ne fit à Paris que de rares apparitions. Quand il reprit le cours régulier de ses conférences, c’était toujours la même éloquence, mais ce n’était plus le même homme, ou du moins le même costume. Il portait un vêtement auquel nos yeux n’étaient plus habitués. Pendant ses années de retraite, le prêtre s’était fait moine. Il rentrait en France engagé lui-même sous la règle de saint Dominique, et venant présider au rétablissement de son ordre.