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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/162

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par le voisinage des martyrs et par cette douce basilique élevée dans la campagne au diacre saint Laurent. Je regardai les vieux murs de Rome qui étaient devant moi, se tenant debout autour du Siège apostolique, comme ils se tenaient autour des Césars, et je regagnai lentement ma demeure solitaire, heureux de me sentir un moment loin de mon siècle, mais sans désir d’être né dans un siècle plus tranquille, ayant entendu près de la tombe des saints et des martyrs cet avertissement sublime : Pleure sur le mort, parce qu’il s’est reposé ! »

Ah ! grand et généreux esprit, si j’osais ici m’adresser à vous-même, c’est nous aujourd’hui qui pleurons sur le mort parce qu’il s’est reposé ; c’est nous qui comprenons, non pas mieux que vous, mais par vous, qu’il y a des morts dont il faut pleurer le repos, parce que leur travail est fini, mais non leur œuvre, parce que vous ne pouvez plus vivre pour ce siècle agité, dont l’agitation ne vous déplaisait pas, tant que c’était l’agitation des idées et non pas celle des intérêts, pour cette société à qui vous ne demandiez pas le droit de vous reposer, mais le devoir et la joie de la consoler dans ses tristesses et de la relever dans ses découragements.

Cette héroïque activité du Père Lacordaire ne ressemble en rien, Monsieur, à cette ambition impatiente et vaniteuse qui s’est parfois rencontrée dans les hommes de notre temps. Il ne s’exagérait ni sa force ni sa mission, « Ferons-nous, disait-il, plus et mieux que nos pères[1] ? rebâtirons-nous les murs et les tours de la sainte cité ? Dieu seul, qui lit au plus lointain des âges, Dieu seul le sait. Mais, si cette gloire nous (1)

  1. Éloge funèbre de Mgr Forbin Janson, évêque de Nancy.