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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/163

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est refusée, si la truelle et l’épée tombent de nos mains avant d’avoir achevé l’enceinte de Jérusalem, puissions-nous du moins laisser aux enfants de la captivité une mémoire de nous qui les fortifie, un parfum qui s’élève de notre tombe et qui porte à leur cœur, avec de bonnes nouvelles du passé, un présage heureux de l’avenir ! »

Cette sainte espérance ne sera pas trompée. M. Lacordaire, comme pour mieux se l’assurer, avait choisi l’éducation des enfants pour le dernier labeur de sa vie, et, si j’en crois quelques-unes de ses lettres, ce sain de la jeunesse, cette culture de rasenir, n’a pas été le moins doux et le moins cher de ses travaux. « Une des consolations de ma vie présente, écrivait-il de Sorèze, est de ne plus vivre qu’avec Dieu et des enfants. Ceux-ci ont leurs défauts, mais ils n’ont encore rien trahi et rien déshonoré. » Belles et touchantes paroles : ainsi, quand quelques sentiments d’amertume s’approchaient de l’âme du Père Lacordaire, ils ne le poussaient pas à maudire notre temps ; ils l’engageaient seulement à espérer en nos enfants, c’est-à-dire en l’avenir. Tant il était de notre siècle, qui a plutôt l’illusion de l’avenir que le respect du passé ! tant il partageait, en les épurant et en les élevant, nos sentiments et nos opinions ! Travailler à ramener le siècle vers Dieu, rendre au monde le viatique que le monde avait rejeté, et le lui rendre sans le lui faire acheter par le désaveu d’aucune des grandes espérances de l’humanité ; montrer que ces espérances sont aisément bénies de Dieu, aussitôt qu’elles se tournent vers lui, voilà la grande et pieuse vocation qu’il s’était faite et qu’il a couronnée par le soin et l’amour des jeunes gens, demandant par eux à l’avenir ce qu’il n’avait pas encore obtenu du présent.