Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/166

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doute, c’est que les peuples et les individus ne peuvent se sauver, en littérature du mauvais goût, en religion de l’abaissement ou de l’indifférence, en administration de l’esprit de formalité ou de consigne, dans l’éducation de la routine et de la sécheresse, que par leurs propres efforts. Les auteurs qui aiment trop la règle, les dévots qui craignent trop l’agitation de la raison, les administrés qui chérissent les lisières qui les soutiennent, les écoles qui n’ont de vie que celle de leur programme passent bientôt du repos qu’ils ont cherché à l’immobilité et à l’impuissance qu’ils ne peuvent plus secouer. Le secours dont l’homme peut le moins se passer ici-bas est celui qu’il trouve en lui-même.

Si je pouvais, Monsieur, rester encore quelques instants avec vous dans ce cercle de la morale qui s’agrandit aisément, si je pouvais chercher en vous-même les causes de cette confiance généreuse à la fois et exigeante que vous voulez avoir dans les efforts de l’homme, si je me demandais pourquoi vous voudriez que chacun de nous pensât et agît beaucoup par lui-même, comme écrivain, comme chrétien, comme citoyen, je serais tenté de dire que vous aimez d’autant plus la liberté de l’action individuelle que les circonstances politiques vous l’ont refusée, à vous et à beaucoup de vos contemporains qui, sous des drapeaux divers, pouvaient l’espérer comme vous, avec vous, ou même contre vous. Ici, je suis fort à mon aise. J’appartiens à une génération qui a eu pendant trente ans les institutions qu’elle désirait. C’est un des bons lots, un des lots rares dans l’histoire agitée de notre pays. Je consens donc de grand cœur, pour mon humble part, à n’être plus qu’un spectateur ici-bas, un spectateur sans indifférence et sans partialité ; mais je ne puis pas ne point