Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

penser sans chagrin à tant d’hommes de cœur et d’esprit, jeunes, actifs, éloquents, qui dans les divers partis ont été surpris et frappés d’inutilité par nos révolutions. Ils auraient agi ; ils auraient lutté ; ils auraient servi leur pays dans les assemblées publiques, comme tant d’autres plus heureux le servent dans les camps. Ils auraient ajouté quelques pages à la glorieuse histoire civile de la France, à cette histoire qui, lorsqu’elle s’éclipse quelque peu, s’en console, parce qu’elle s’éclipse devant l’éclat de notre histoire militaire. Le destin a fermé pour vous et pour plusieurs de vos contemporains, la carrière que vous pouviez espérer parcourir. Cette inactivité politique a fait que l’action libre et spontanée dans la vie littéraire, dans la vie religieuse et dans la vie politique n’est pas seulement pour vous une doctrine préférée, mais qu’elle a le charme d’un regret ou l’impatience d’un espoir, tandis qu’elle a pour nous la douceur d’un souvenir.

J’arrive, Monsieur, à votre Histoire de l’Église chrétienne et de l’Empire romain au IVe siècle, c’est-à-dire au grand et beau travail que vous avez embrassé comme une fonction qui ne dépendait que de vous. Nous pouvons parler librement de Constantin. De tous les Césars, c’est le plus discutable. Loué à l’excès par les auteurs catholiques, censuré à l’excès aussi par les auteurs de l’école philosophique, Constantin est une des énigmes de l’histoire. S’il était aussi bon et aussi grand que le disent ses panégyristes, comment expliquer ses crimes ? S’il était aussi méchant et aussi médiocre que le font ses détracteurs, comment a-t-il donné à l’Église chrétienne la liberté dans le culte et l’ascendant dans la législation ? Comment a-t-il fondé un empire qui a duré plus de mille ans ? Je sais bien que son empire n’a pas bonne renommée