Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/182

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toutes les autres. Il était d’ailleurs de ceux qui n’avaient pu se déprendre encore des regrets que laissent aux nobles cœurs les espérances de la jeunesse, lors même qu’ils sont conduits à les appeler des rêves. L’Empereur soupçonnait cet état d’esprit à peu près général chez les jeunes gens qui formèrent les premières promotions sorties de l’École polytechnique. Il s’en irritait, mais ne s’en inquiétait point. Les notes recueillies par la famille de M. Biot ont conservé un souvenir que je crois pouvoir leur emprunter. Napoléon exprimait son mécontentement à Monge avec un redoublement de vivacité, peu de jours après son avènement à l’empire. « Sire, répondit le spirituel directeur de l’Ecole, ce n’est pas du jour au lendemain que je puis donner des habitudes monarchiques à tous ces jeunes républicains. Ils les prendront d’eux-mêmes et vous suivront certainement, mais il faut y mettre le temps, et Votre Majesté a tourné un peu court……… » L’Empereur ne parut pas s’étonner de l’observation : il attendit ; et je gagerais volontiers qu’au jour du malheur les moins empressés ne furent pas les moins fidèles.

M. Biot ressentit durant sa longue carrière un éloignement si persistant pour les fonctions publiques, l’immixtion des savants dans les affaires lui inspirait de si vives contrariétés, que cette répugnance doit être signalée comme l’un des traits caractéristiques de sa physionomie. Depuis Newton, qu’il gourmande pour les fonctions officielles dans lesquelles s’endormit son génie, jusqu’à ses contemporains, qu’il poursuit au sein de leurs grandeurs par les traits d’une ironie sanglante, il n’épargne personne en présence de ce qu’il considère comme une double prévarication contre la science et contre la société. Une seule fois, et bien des années après l’époque