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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/197

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la verte vieillesse dont il portait si légèrement le poids, Cicéron aurait dit comme de celle de Platon : Est pure et eleganter actæ œtatis placida ac levis senectus, qualem accepimus Platonis qui uno et octogesimo anno scribens mortuus est[1].

Ce fut à l’époque où M. Biot était entré en possession de toutes ses forces intellectuelles sans rien perdre, sous la glace de l’âge, de sa vivacité, que vous voulûtes, Messieurs, joindre cette renommée à tant d’autres dont vous êtes justement fiers. En appelant au sein de l’Académie française le doyen de l’Académie des sciences, vous ne vous conformiez pas seulement à des précédents nombreux, vous accomplissiez un acte de stricte justice. M. Biot fut, en effet, un écrivain du premier ordre, car il sut unir aux délicatesses du goût toute la rigueur de la démonstration didactique. N’aspirant qu’à donner à sa langue la transparence du cristal, et rencontrant l’originalité en cherchant la correction, il parvint à se créer un style à lui, à force d’exactitude. « Il avait fini par porter dans sa diction accomplie comme un instrument de précision, » a dit l’un d’entre vous qui, en matière de critique, ne laisse à ceux qui le suivent que la tâche de le répéter[2]. Voici plus d’un demi-siècle que M. Biot adressait à l’Académie française cet Éloge de Montaigne dont la mise au concours révéla simultanément à cette compagnie et le savant dont elle déplore aujourd’hui la perte, et l’écrivain qui en est resté l’honneur. D’heureuses qualités litté-

  1. Cic., de Senectute, V.
  2. M. Sainte-Beuve, Constitutionnel du 24 février 1862.