Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/232

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sentait que ce repos était précaire, et il éprouvait une vive sympathie pour le désir généralement manifesté de voir reconnaître et garantir tous les droits de sécurité personnelle et toutes les libertés compatibles avec l’ordre public ; en un mot, il l’a dit lui-même, il partageait l’enthousiasme généreux qui avait saisi tant d’âmes élevées.

Cette société si animée l’intéresse ; vainement on le presse d’émigrer comme plusieurs compagnons de sa jeunesse ; il se refuse à l’idée de laisser Paris ; il sait d’ailleurs que lorsque l’on devient volontairement étranger à son pays, on s’expose au malheur d’en être bientôt l’ennemi. Il reste pour être le témoin de toutes les journées célèbres de la révolution. Il assiste aux grandes séances de l’Assemblée constituante et voit avec douleur les amis aveugles de la royauté pousser aux résolutions les plus désorganisatrices dans l’espoir que le bien sortira de l’excès du mal. Sous ses yeux se commettent les premiers crimes dont la liberté fut l’innocent prétexte et ils restent impunis ; pendant que l’Assemblée nationale proclame les immortels principes qui sont la vie de notre société moderne, il voit s’éteindre le principe d’autorité pratique sans lequel il n’y a plus ni lois, ni ordre, ni liberté ; les Français sont bien dans cet état que Tacite peint en quelques mots : Incerti solutique et magis sine domino quam in libertate. Le peuple, sans guide, aspire chaque jour à des expériences nouvelles ; les plus hautes intelligences du temps s’égarent dans toutes leurs prévisions ; les passionnés d’aujourd’hui seront les modérés de demain et poussent à des commotions dont ils seront les premières victimes. D’une fenêtre du Palais-Royal, M. Pasquier voit l’orateur éloquent du parlement de Paris traîné dans le jardin