Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/233

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par une bande furieuse, arraché de leurs mains à demi mort ; d’Eprémesnil reçoit la visite de Pétion sur son lit de douleurs et lui adresse ces prophétiques paroles : « Et moi aussi, Monsieur, j’ai été porté en triomphe. » — Après d’Éprémesnil, Barnave ; après Bamave, Vergniaud. Si la France reste unie, grande, héroïque à la frontière, contre l’étranger, à l’intérieur tout change : l’enthousiasme des premiers jours de la révolution se convertit en haine et en colère ; l’égalité n’est plus qu’un mot puisque des classes entières sont proscrites pour crime de naissance, de fortune ou d’opinion. La liberté s’est changée en un despotisme à mille têtes pour lequel tout peut être coupable, un service rendu à un ami, un acte de piété filiale, un mot, un geste, un regard.

Après la loi des suspects et la formation des comités de salut public et de sûreté générale, M. Pasquier crut que le séjour de Paris était dangereux pour lui. Il se retira dans le village de Champigny-sur-Mame. C’est là qu’il épousa sa parente Mlle de Saint-Roman, devenue veuve du comte de Rochefort, et dont le sort était aussi précaire, aussi menacé que le sien. Un ancien conseiller clerc au parlement de Paris, l’abbé Salomon, muni des pouvoirs secrets du pape, leur donna la bénédiction nuptiale dans la petite chambre qu’ils habitaient.

Peu de jours après, M. Pasquier père est arrêté : on avait découvert une protestation que la chambre des vacations du parlement de Paris avait rédigée en 1790 avant de se séparer. Il n’en faut pas plus pour que tous les anciens parlementaires soient inscrits sur les tables de proscription. Les signataires de la protestation sont condamnés ; leurs collègues sont recherchés. M. Pasquier se retire pendant quelque