Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/259

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faire lire cinq fois une brochure[1] remarquable qui l’avait vivement frappé ; d’autres fois il est blessé dans ses affections, ses souvenirs ; alors il a besoin de produire ses impressions. Ne pouvant écrire lui-même, il dicte.

Il vient d’entendre lire un écrit qui fait l’éloge du gouvernement du Directoire. Pour ce temps il n’a conservé que le plus absolu mépris. Il en pense ce qu’en a écrit M. de Tocqueville, illustre ami que j’ai la douleur de ne plus retrouver parmi vous, et dont le regard bienveillant me manque au moment où je vous parle : Ce régime était une anarchie tempérée par les violences. Il est prêt à lui préférer le règne de la Convention. Il faut qu’il le dise ; ce sont des protestations, des enseignements qu’il veut laisser à ceux qui viendront après lui.

On lui a fait connaître un article de journal sur un ouvrage relatif à l’anciennemagistrature ; il se fait lire l’ouvrage. Il dicte encore : « J’entre dans les derniers mois de ma quatre-vingt-douzième année ; je suis le seul membre encore vivant entre tous ceux dont se composait en 1789 la grande magistrature, qui fut emportée et détruite dans la tempête. Ce peu de mots donnent suffisamment à comprendre les dispositions dans lesquelles je me suis trouvé en avançant dans la lecture de l’article précité. Si je n’ai plus les forces suffisantes pour me jeter dans un tel débat, il m’en reste assez cependant pour articuler une sorte de protestation, où quelque peu de justice sera rendue aux mérites, aux vertus d’un passé par trop méconnu. »

Si l’ancien conseiller au Parlement de Paris est si zélé pour

  1. Lettre sur l’histoire de France, 1861.