Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/280

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sans relâche, jusque dans ses derniers jours ; il eût pu redire ce mot de l’antique Solon, que Cicéron fait rappeler et vanter par Caton l’Ancien, dans son charmant traité de la Vieillesse : « Je vieillis en apprenant tous les jours quelque chose. » Point d’ouvrages, dignes d’intérêt, qu’il ne lût des premiers, ou, lorsqu’enfîn ses yeux lui manquèrent, qu’il ne se fit lire, Il n’y cherchait pas, comme souvent les gens du monde, une simple distraction, un thème pour la conversation du soir, le plaisir d’être en avance sur la curiosité publique, mais l’occasion de réflexions nouvelles sur ces graves sujets d’histoire, de politique, de morale sociale, de haute littérature qui avaient gardé pour lui tout leur attrait. Bien souvent la préoccupation qui s’emparait alors de lui l’amenait à dicter soudainement, avec l’entraînement de ses anciennes improvisations, quelques pages où s’exprimaient franchement, vivement, ses adhésions ou ses dissentiments, qui continuaient, complétaient le livre ou le réfutaient. La dernière joie de son intelligence a été de répandre ainsi au dehors et de fixer ce qu’il y avait toujours en lui de pensées justes, de nobles sentiments, de mouvements chaleureux.

Il s’y mêla un sentiment de bien douloureuse sympathie le jour où la publication d’anciens récits faits par un témoin oculaire, et plus qu’un témoin, de quelques jours néfastes de la Révolution, l’ayant tout à coup reporté, à travers tant d’années écoulées, à des spectacles que ses yeux avaient vus, à des douleurs dont son âme avait été déchirée, il se sentit pressé d’en renouveler lui-même l’expression dans un écrit, impétueusement dicté, que terminaient ces éloquentes paroles :

« À quoi bon, pourra-t-on me dire, à quoi bon ces lignes