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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/304

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étroitement l’idée d’un prix de l’Académie française à celle d’une vertu. Dès lors, par une pente bien naturelle, dans tous les ouvrages que cette distinction lui signale, l’opinion publique incline à chercher une valeur et une autorité morales.

Est-ce là, Messieurs, une tendance qui puisse alarmer les esprits littéraires, et devons-nous songer à nous prémunir contre cette noble inquiétude de la sagesse et de la vérité pratiques ? Un moment séduits par le prestige du talent et de l’art, si nous étions tentés de nous départir de ces rigueurs de la conscience, le sentiment universel nous y rappellerait. L’habitude de couronner de bonnes actions nous rend justement sévères pour les livres qui ne renferment pas de bons conseils.

Le domaine de la littérature et l’horizon de l’Académie vont au-delà des simples questions d’art et d’agrément. On a dit, à la gloire des lettres, qu’elles ne sont pas seulement, comme les sciences, une application de l’esprit humain, mais l’esprit humain lui-même. Elles sont encore, et c’est là leur incontestable grandeur, elles sont le cœur humain, l’âme humaine tout entière. La poésie et l’éloquence émanent des profondeurs de la vie morale ; elles réveillent toutes les forces de l’âme pour le bien ou pour le mal. Les belles paroles ont pour fruits naturels les résolutions généreuses. Après avoir ainsi suscité l’abnégation, l’héroïsme, toutes les passions bienfaisantes, il appartient encore aux lettres de leur assurer la plus noble des récompenses : une place durable dans la mémoire des hommes.

Mais ne croyez pas que j’attribue à l’influence des bons écrits toutes les bonnes actions que nous allons couronner.