Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/309

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Après cet héroïsme du pasteur qui distribue sa vie en détail et jour par jour à ceux qui souffrent, nous avons eu à couronner un héroïsme d’un autre genre, celui de l’homme intrépide qui se dévoue d’un seul coup pour autrui en face de la mort.

Dix-huit personnes sauvées en divers naufrages, avec un rare mélange d’intelligence et d’audace, ont valu à M. Pierre Espagne, ancien sous-officier de notre armée d’Afrique et brigadier des douanes à Bordeaux, plusieurs médailles du Gouvernement, la croix de la Légion d’honneur et l’Aigle rouge de Prusse. La persistance dans ces actes de dévouement, le zèle passionné qu’il témoigne pour la vie et le soulagement des malheureux naufragés ont fait chez M. Pierre Espagne de ces inspirations de la sympathie et du courage une constante pratique de l’humanité, une véritable vertu. C’est à ce titre, qu’après toutes les distinctions qu’il a reçues, vous lui accordez un prix de deux mille francs.

Placé en 1850 dans un poste de douanes, sur une côte de l’Océan où les tempêtes sont fréquentes, entre la pointe de Grave et le bassin d’Arcachon, l’ancien soldat s’était déjà fait connaître par des prodiges de courage et avait arraché à la mort plusieurs marins, quand l’éclatant sauvetage du navire prussien Teutonia vînt le signaler comme la providence des naufragés dans ces parages dangereux.

Le 18 octobre 1859, il était en congé chez des parents à trois lieues de la mer ; la détresse du Teutonia lui fut annoncée. Ainsi éloigné du lieu de l’événement, il n’était plus sous l’empire de cette excitation que ressentent parfois les plus timides à la vue du péril d’autrui. Entouré, au contraire, des supplications de sa famille qui veut le retenir, il n’écoute que