Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/313

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rable et laborieuse de Lyon, commençaient à peine, en 1849, à suffire à leurs modestes besoins en donnant des leçons de musique. Elles avaient, alors, l’une quinze et l’autre dix-sept ans ; la Providence leur fit rencontrer, un pieux instinct leur fit recueillir une jeune aveugle abandonnée et sans l’ombre de culture intellectuelle et morale. Elles s’attachèrent à cette enfant à peine capable de communiquer par la parole avec ses bienfaitrices. À force de zèle et de patience, avec une divination toute maternelle, elles s’approprièrent, sans les avoir étudiés, les ingénieux procédés aujourd’hui en usage pour instruire ces êtres malheureux qui n’ont jamais reçu les douces révélations de la lumière. Ce premier succès encouragea Mlles Frachon ; une autre élève fut prise à leur charge et reçut d’elles à la fois le pain de chaque jour, l’éducation chrétienne et l’enseignement primaire. Leur famille adoptive s’accrut rapidement. Par un travail assidu elles gagnaient de quoi se donner le luxe de cette maternité volontaire. Elles voyaient grandir et s’améliorer leurs chères aveugles. La mère des deux jeunes institutrices se chargeait, pendant leurs absences forcées, de la surveillance de ces pauvres enfants. Le père contribuait aux lourdes charges de ce ménage croissant de mois en mois, à l’aide des ressources de son métier de mécanicien. Enfin, depuis 1849, cet asile béni a reçu et nourri, sans secours étrangers et par la seule activité de la famille Frachon, un nombre de jeunes filles aveugles de naissance assez considérable pour porter à treize, en moyenne chaque année, le nombre des enfants qui ont trouvé là le pain, le vêtement et le domicile, et qui ont été retirés du demi-abrutissement où leur infirmité les retenait chez des parents indigents et incultes.