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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/323

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sonne, leurs biens et leur vie, à leurs frères souffrants et abandonnés.

Sans doute la charité, comme toutes les vertus et plus que toutes, porte en elle-même sa récompense, et n’a pas besoin de nos encouragements pour vivre. Nous l’avons dit et redit sans cesse, sans attendre d’être avertis par des esprits chagrins et superficiels qui ont compris l’œuvre de M. de Montyon dans la vaste sphère de leurs anathèmes. Nous ne prétendons ni créer la vertu ni décourager le vice ; nous ne nous arrogeons pas cet empire sur la fragilité humaine. Nous ne faisons pas non plus la charité ; nous nous bornons à la reconnaître chez ceux qui la font, et c’est pourquoi il nous convient d’être très-modestes, comme des gens qui n’ont aucun mérite à remplir leur charge et qui comprennent fort bien qu’il est tout autrement facile de couronner la vertu que de la pratiquer.

Nous ne prétendons pas même honorer la vertu par la publicité de nos récits et de nos éloges : c’est la société où cette vertu se produit, que nous voulons servir et encourager, en lui révélant ce qui se passe d’obscurément héroïque dans son sein. Assez d’infirmités l’énervent, assez de taches la déparent, assez de périls et de mécomptes atteignent et avertissent son orgueil, pour qu’il soit bon et convenable de la relever parfois à ses propres yeux et devant ses détracteurs. Il nous appartient, non de régir les consciences individuelles, mais de satisfaire la conscience publique, en lui servant d’interprète pour glorifier le dévouement austère et la grandeur morale.

Ce que nous voulons, ce n’est pas honorer les pauvres, c’est honorer les riches, par un hommage public rendu à la