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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/327

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tion publique lui servait de sauvegarde inviolable. Si quelqu’un, nous dit le premier magistrat de sa ville natale, eût osé se permettre envers elle la moindre inconvenance, cent bras se seraient levés pour l’écraser. À ce pénible métier, elle ramassait annuellement dix-huit cents à deux mille francs, et elle a pu augmenter les trop faibles ressources des hôpitaux d’Orgon de plus de 50,000 francs accumulés ainsi sou à sou, par le plus généreux et le plus infatigable dévouement. L’âge de Madeleine, aujourd’hui sexagénaire, et surtout l’établissement des chemins de fer, l’ont obligée de donner à ce dévouement une autre forme, mais n’en ont point atténué les efforts, qui soutiennent toujours, avec l’existence de son frère, celle d’un grand nombre d’infortunés. L’Académie veut concourir à ses bonnes œuvres en lui offrant un prix de 3,000 francs.

Il nous est doux de pouvoir rapprocher de cette héroïne de la charité, sortie de la condition la plus humble, deux autres femmes qui, nées dans l’aisance, ont consacré leur fortune et leur vie au service des pauvres, en rivalisant avec la quêteuse d’Orgon par la constance et la fécondité de leur abnégation. Mlle Hortense de Gelinski, née il y a cinquante-sept ans d’une famille fixée en Anjou, amenée jeune encore, par des circonstances de famille, à Digne, y fut pénétrée de compassion à la vue du triste sort des pauvres orphelines dans cette partie de la France, qui, située entre les sites pittoresques du Dauphiné et les plages fertiles de la Provence, n’a reçu en partage aucun des avantages départis par le ciel à ces deux contrées. Une voix secrète et surnaturelle lui révèle sa vocation. Elle dit un éternel adieu à son beau pays d’Anjou, pour se fixer dans le rude climat des