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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/34

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postérité, le pape Pie IX avait été chassé de la capitale du christianisme, après y avoir vu son ministre égorgé sur les marches de la première assemblée législative que Rome eût eue depuis le sénat romain. Une ingratitude sacrilége avait récompensé les dons du père commun des âmes, et, trahi, fugitif, il avait tourné vers Dieu ces regards du malheur et du droit qui n’émeuvent pas toujours les hommes, mais qui ne laissent jamais insensible que pour un moment très-court celui qui, en créant le monde, lui a promis une première justice dans le temps, et une seconde dans l’éternité. Cette fois, comme bien d’autres, la justice du temps fut remise à l’épée de la France, et l’on vit nos bataillons ramener à Rome, sous le drapeau de la république, le prêtre couronné autrefois par Charlemagne et consacré sur son trône par le respect dix fois séculaire des générations. C’était un prêtre, il est vrai, un vieillard faible et désarmé ; mais, sous ses cheveux blanchis, sous sa toge inconnue des consuls dont il tenait la place, il portait non plus l’orgueil d’un peuple maître du monde, mais l’humilité souveraine de la croix, et avec elle la paix et la liberté de l’univers. On pouvait opposer à sa couronne des raisonnements et des armées : la France opposa aux raisonnements l’instinct infaillible de son génie politique et chrétien, et aux armées d’une démocratie trompeuse elle opposa ce don de vaincre qui lui fut accordé par Dieu le jour même où Clovis, son premier roi, courba la tête devant la vérité.

La liberté de l’enseignement, la restauration du souverain pontife sur son trône terrestre, ce furent là les œuvres héroïques de la seconde république française, et, en lisant ces deux décrets, ont eût pu la croire fondée. M. de Tocqueville