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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/356

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en a un qui est donné à un ancien matelot, éclusier à Thouerac, près d’Angoulême, qui a sauvé je ne sais combien de malheureux qui sans lui auraient péri dans les flots. Il est vrai que Milasseau, c’est le nom de celui que nous couronnons, joint la persévérance à l’ardeur ; il unit les deux genres d’héroïsme. J’aime aussi en lui une certaine brusquerie de bons sentiments. Ainsi une de ses questions, après avoir sauvé un homme qui était tombé dans la Charente : « Est-ce un honnête homme au moins que j’ai tiré de là ? — Oui. — Ah ! tant mieux ! j’ai eu la main heureuse ! » Milasseau, en effet, a grandement raison de sauver les gens avant de savoir ce qu’ils sont, cela lui épargne l’hésitation.

J’aime aussi dans Milasseau la manière dont parlent de lui ses admirateurs. Nous avons des rapports sur les belles actions, dans lesquels les rédacteurs, s’adressant au préfet, qui transmet les pièces à l’Académie, ont cru devoir joindre à l’éloge de la vertu qu’ils recommandent l’éloge aussi du préfet et l’éloge de l’Académie. Nous n’avons pas pris en mauvaise part ce que nous avons regardé comme une politesse d’habitude. Mais je ne suis pas fâché qu’il n’y ait rien de pareil dahs les documents qui nous recommandent Milasseau. « Tel est, nous dit-on, le récit des bonnes et généreuses actions qui remplissent la vie de notre vieux marin. Est-il besoin d’ajouter qu’il a élevé ses enfants de manière qu’ils soient dignes du nom honorable qu’il leur laissera pour toute fortune ? Ses filles, veuves toutes deux, sont des mères de famille dévouées, et son fils, marin du port de Rochefort et ancien canotier de l’amiral préfet maritime, a déjà été décoré de deux médailles de sauvetage. » Voilà un fils qui comprend que noblesse oblige.