Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/362

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croie pas, d’ailleurs, que nous soyons à ce point apposés aux saillies de la vertu et du dévouement que nous ne les admettions jamais au partage de nos récompenses. Il y a, cette année même, dans l’histoire de l’une de nos héroïnes les plus charitables, un trait qui témoigne d’une vivacité et d’une vaillance de charité capables de contenter ceux qui aiment la vertu hardie. Il faut presque remonter aux histoires des saints pour trouver des récits dans le genre de celui que j’ai à faire, et c’est même ce souvenir qui m’enhardit à le faire.

Une pieuse et sainte fille s’est dès sa jeunesse consacrée tout entière aux soins des pauvres. Elle s’est faite dans sa ville natale l’infirmière des malades abandonnés à cause de leur misère ou à cause de la nature repoussante de leurs maladies. Elle était belle ; elle avait un petit patrimoine ; on voulait la marier : « Non, dit-elle, je ne veux pas être infidèle aux pauvres et aux infirmes : ce sont mes maris ; » et elle continua à aller soigner ses chers malades, sortant sans cesse, seule, le jour, la nuit, partout respectée, partout connue. Un soir, cependant, un homme, un étranger sans doute, la suivit, l’aborda et lui fit d’indignes propositions : « Suivez-moi, » répondit la pieuse infirmière sans se déconcerter, et elle le conduisit dans je ne sais quelle misérable chambre où gisaient, malades et presque mourantes, dans un seul et même grabat, une mère et une fille qu’elle soignait depuis longtemps ; « Voilà mon boudoir, Monsieur, » dit-elle. L’homme tressaillit, reconnut le piège de charité où il était pris, et, jetant sa bourse sur ce lit de douleur, se retira plein de confusion et de respect.

J’ai voulu, Messieurs, en vous rapportant les pensées, les réflexions que nous suggèrent les choix que nous avons à