Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/388

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dans le doute, il a remporté chez lui les dossiers, les a repassés tout entiers une dernière fois, de peur de ne pas être assez juste ! Noble historien de la Grande Armée, témoin véridique de nos grandeurs et de nos héroïques désastres, vous avez mérité aussi que l’on dise de vous que vous êtes le juge d’instruction modèle dans cet ordre pacifique des vertus. Laissez nos cœurs parler une fois en toute liberté et vous exprimer notre vénération reconnaissante.

Cette année. Messieurs, l’Académie n’a pas d’action d’éclat à célébrer et à couronner ; elle a mieux, si j’ose dire : elle a des existences, des vies tout entières dévouées au bien à récompenser et à raconter devant vous. Je le ferai dans les termes les plus simples, en me rapprochant le plus possible de mes dossiers, de mes sources. Loin de moi les phrases pompeuses, lors même que j’en saurais faire ! En pareil cas, ce sont les témoins les plus immédiats qui parlent le mieux ; ils disent comme ils ont vu et comme ils sentent.

La première récompense, le premier prix, sur quatre-vingt-neuf concurrents, est décerné à Mlle Rosalie Marion, institutrice communale à Beaumont-Hague, département de la Manche. Cette respectable personne, née en 1791, est par conséquent âgée aujourd’hui de soixante-quatorze ans. Ses premières années nous échappent. Enfant du pays et d’une commune peu éloignée, elle avait vingt-cinq ans lorsqu’elle arriva à Beaumont, en qualité d’institutrice, dans les premiers jours de janvier 1816, et, depuis ce temps, c’est-à-dire depuis tout à l’heure un demi-siècle, elle a été pour Cette commune à la fois la maîtresse d’école, la garde-malade, la sœur de charité, cumulant et trouvant moyen de remplir tant de fonctions sans les confondre.