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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/390

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t-on bien ? Ces misères amoncelées et croupissantes, ces horreurs, ces laideurs, ces six étages à monter dans les villes, ces pailles infectes et ces fumiers à remuer dans les campagnes… Qu’il suffise de dire que la maîtresse (comme on l’appelle à Beaumont) exerce la charité dans tout ce qu’elle a de pénible, de repoussant, d’odieux pour les sens, de contagieux et de dangereux pour la santé : elle panse, elle lave les plaies, elle ensevelit ceux dont on s’éloignait par effroi. Plus d’une fois elle a porté la peine de son zèle et de ses pieux excès. Après s’être dévouée à soigner des familles entières dans une épidémie de fièvre typhoïde qui sévit dans la contrée en 1839, elle tomba malade elle-même et faillit succomber.

D’autres fois, après avoir surmonté toutes ses nausées auprès de certains malades, après avoir fait l’impossible en constance, en patience, en refoulement de toutes les délicatesses, la nature à la fin se révolte et se revanche ; il y a un lendemain ; et le devoir accompli, le malade soigné, le mort enseveli, la courageuse infirmière est demeurée des huit jours entiers le cœur soulevé, rassasié, sans pouvoir prendre presque aucune nourriture. Elle a eu le contrecoup de son dévouement.

Et elle n’a pas le dévouement seul : elle a l’esprit d’ordre et d’administration, comme il en faut dans tout ce qui dure. Elle s’aperçut de bonne heure que de toutes les privations que la maladie révèle dans ces existences pauvres, la plus fréquente de toutes, c’est le défaut de linge, si nécessaire pourtant en pareil cas. Avec le conseil de M. le docteur Le Taillis et moyennant la contribution bienfaisante de feu M. et Mme Du Mesnildot, propriétaires du château de Beaumont, elle a depuis des années établi une lingerie, — la lingerie