Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/414

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sentiments puisés aux sources vives de l’âme. Un peu de cette manne divine transforme tout ce qui l’entoure. La critique ici n’a point à chercher si, dans les inspirations que suit tour à tour le poëte, dans les incidents de bonheur domestique, les tendresses de famille, les soins de cœur qu’il décrit, son art n’est pas quelquefois moins vrai que son sentiment. C’est un tort de style, une imitation passagère, une influence de faux goût qui ne détruit pas l’accent même et l’harmonie de l’ensemble, parce que cet accent et cette harmonie tiennent à quelque chose au-delà des paroles. Souvent aussi cette vérité première a prévalu dans le poëte, et lui a dicté des vers sans effort, comme sans négligence, d’un naturel vraiment simple et qui répond à toutes les âmes.

Sans comparer des talents divers, sans graduer des mérites qui ne se ressemblent pas, l’Académie décerne à M. Edouard Grenier pour ses poëmes, à M. de Beauchêne pour le Livre des jeunes mères, des médailles semblables à celles dont elle a récompensé d’élégantes études d’histoire et de lettres. Elle a rapproché ces titres, en les honorant également. L’instruction approfondie, le goût sévère de l’art, l’amour du vrai, sont à l’esprit ce que les sentiments purs et droits sont au cœur. À ce titre, l’Académie a compris encore dans ses choix une étude, trop chargée de détails, mais attentive à nos grandes traditions littéraires et qui en retrace bien quelques souvenirs, les Ennemis de Racine, au XVIIe siècle, par M. Deltour, professeur au lycée Bonaparte.

Ces dispositions d’équitable faveur pour une littérature classiquement studieuse n’empêchent pas l’Académie d’accueillir des tentatives d’une hardiesse qu’elle n’approuve pas