Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/53

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vive sympathie pour l’activité et la gloire intellectuelles de la France, pour ses libertés et son progrès régulier vers l’avenir. Elle a toujours gardé, envers tous les gouvernements de notre patrie et envers le public lui-même, une indépendance aussi ferme que mesurée, ne se laissant dominer ni par les désirs du pouvoir, ni par les passions excessives et mobiles de l’opinion mondaine ou populaire. Quelque différents qu’ils pussent être et de quelque point de l’horizon qu’ils fussent venus, ses membres ont toujours vécu entre eux dans des rapports pleins d’équité, de tolérance et de convenance, acceptant sans effort leur liberté mutuelle et entretenant un commerce également sûr et doux. L’Académie n’a rien plus à cœur que de rester ce qu’elle a toujours été, libérale, indépendante, étrangère à toute discorde civile. Elle se préoccupe, dans ses choix, du maintien de ses traditions. C’est son honneur au dehors, la sécurité et l’agrément de la vie dans son sein.

Sous tous ces rapports, Monsieur, l’Académie trouve en vous ce qu’elle désire et cherche avec sollicitude quand elle a des pertes cruelles, comme celle de M. de Tocqueville, à déplorer. Vous êtes vraiment de notre temps, l’un des fils de cette société française qui, depuis trois quarts de siècle, et malgré tant de fautes et de mécomptes, aspire à la liberté sous la loi. Vous la comprenez, vous l’honorez, vous l’aimez ; et si les épreuves que vous avez subies avec elle vous ont ravi bien des illusions, vous conservez cependant vos plus chères espérances. Vous avez appris à connaître votre siècle et votre patrie, sans vous détourner de leur cause ni vous décourager de leur avenir. Ainsi seulement on peut les servir. Juger et aimer, la sympathie sans la complaisance,