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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/54

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c’est la double condition du patriotisme noble et utile. Pourquoi n’en appellerais-je pas ici, Monsieur, à l’autorité qui surpasse toutes les autorités et devant laquelle vous vous inclinez comme moi ? C’est le sublime caractère de l’Évangile de juger sévèrement et d’aimer tendrement l’humanité, de connaître tout son mal en se dévouant à la guérir. Vous avez compris et suivi, Monsieur, les préceptes de votre divin maître ; vous n’avez pas cessé de croire à la France et de travailler comme d’espérer pour elle en devenant un sévère chrétien.

Vous avez fait en même temps, envers elle, acte de forte et fière indépendance. Quand vous avez pris l’habit que vous portez, vous n’ignoriez certainement pas quels préjugés, quelles méfiances, quelles passions vous rencontreriez sur votre chemin. Vous n’avez point frémi ni fléchi devant ces perspectives de la défaveur populaire ; vous avez obéi à votre foi et compté sur votre avenir. Bien des gens ont cru alors voir en vous une de ces âmes à la fois ardentes et faibles, dominées par leur imagination, incapables d’une conduite mesurée et prévoyante, et qui s’abandonnent à tous leurs entraînements. Vous avez été appelé à justifier ou à démentir ces conjectures ; deux fois, la première dans l’Église, la seconde dans l’État, vous avez eu à résoudre la question de savoir si vous étiez capable de résister après vous être livré et de vous arrêter sur votre propre pente. En 1831, quand vous étiez l’un des rédacteurs de l'Avenir ; en 1848, quand, après la Révolution de Février, vous parûtes dans les rangs de l'Assemblée constituante, vous avez été mis à cette redoutable épreuve. Dans l’un et l’autre cas, les idées et les espérances démocratiques vous avaient charmé et entraîné ; dans