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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/55

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l’un et l’autre, vous avez reconnu le péril et vous vous êtes arrêté devant la limite ; à Rome, malgré les exemples et les séductions d’une illustre amitié, vous avez pressenti la voix du chef de l’Église, et vous vous êtes soumis ; à Paris, vous vous êtes senti déplacé au milieu des emportements populaires, et vous vous êtes retiré. À deux reprises et dans deux circonstances également graves, vous avez prouvé que l’intelligence des points d’arrêt nécessaires ne vous manquait pas plus que l’ardeur des premières impulsions ; vous avez fait les deux actes d’indépendance les plus difficiles ; vous avez résisté à vos plus chers amis et à vos plus intimes penchants.

Vous venez, Monsieur, de nous donner, à l’instant même, un bel exemple de ce mélange de sympathie et d’indépendance, de tendresse et de sévérité chrétienne qui fait la puissance et le charme de vos paroles. Vous avez rendu à la démocratie moderne, telle qu’elle s’est constituée et que jusqu’ici elle s’est gouvernée aux États-Unis d’Amérique, un éclatant hommage ; et en même temps vous avez hautement exprimé, sur l’esprit démocratique tel qu’il se manifeste trop souvent dans notre Europe, vos judicieuses appréhensions. Vous portez à l’Église catholique et au saint pontife qui préside à ses destinées un dévouement filial ; vous avez exhalé votre éloquente indignation contre l’ingratitude qu’a rencontrée ce pape généreux et doux qui s’est empressé d’ouvrir à ses sujets la carrière des grandes espérances, et qui les y eût heureusement conduits si la bonté des intentions suffisait à gouverner les hommes. Est-ce là, Monsieur, tout ce qu’en présence de ce qui se passe, vous pensez et sentez sur la situation de l’Église, et regardez-vous l’ingratitude