Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/56

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populaire comme la plus dure épreuve que son auguste chef ait maintenant à subir ? Non, certainement non ; mais, après avoir touché à cette plaie vive, vous vous êtes arrêté ; vous avez craint d’envenimer en enfonçant. Vous avez eu raison, Monsieur ; ce n’est pas ici un lieu où, sur un tel sujet, il soit possible ni convenable de tout dire. Je me permettrai seulement de rappeler un fait qui est présent, je pense, à la mémoire de bien des personnes dans cette enceinte. Le spectacle auquel nous assistons en ce moment n’est pas nouveau ; nous avons vu, il y a déjà plus d’un demi-siècle, l’Italie en proie à des troubles, à des envahissements, à des bouleversements pareils à ceux qui y éclatent aujourd’hui : mais alors du moins ils apparaissaient avec leur vrai caractère et sous leur vraie figure ; un homme qui a joui d’un grand renom populaire, et que les libéraux appelaient leur publiciste, en parlant de ces actes et de tant d’autres semblables, les qualifiait d’esprit d’usurpation et de conquête, et il écrivait, sous ce titre, un livre pour les flétrir. Les mêmes faits ne méritent-ils plus le même nom ? Ont-ils changé de nature parce que ce n’est plus la France qui les accomplit ouvertement, pour son propre compte, et qui s’en attribue les fruits ? Ou bien seraitce que ces violences seraient devenues légitimes parce qu’aujourd’hui c’est au nom de la démocratie et en vertu de ce qu’on appelle sa volonté qu’on les exerce ? La démocratie a, de nos jours, une passion pleine d’iniquité et de péril ; elle se croit la société elle-même, la société tout entière ; elle y veut dominer seule, et elle ne respecte, je pourrais dire elle ne reconnaît nuls autres droits que les siens. Grande et fatale méprise sur les lois naturelles et nécessaires des sociétés humaines ! Quelle que soit leur forme de gouvernement, et au