Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/606

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Hors les moments de sa toilette,
Elle n’avait ni repos ni loisir ;
Et des femmes m’ont dit que, pour une coquette,
C’étaient encor des moments de plaisir.
Mais, à ce doux métier, les mois et les années
S’écoulaient comme des journées.
Le temps s’enfuyait à grands pas.
La belle ne le voyait pas.
Elle l’apprit un jour de son miroir perfide.
L’aspect d’un cheveu blanc et même d’une ride
Porta le trouble dans ses sens,
« Tu me fais, cher ami, vieillir un peu trop vite.
« Ralentis la marche du temps, »
S’écriait-elle, « ou je te quitte. »
Sitôt dit, sitôt fait. Un nouveau directeur,
Comme de son esprit, s’empara de son cœur.
Il avait l’art, il lui fit la promesse
De modérer du temps la fatale vitesse,
De le faire marcher comme marchaient jadis
Les diligences du pays.
C’était un homme grave, au visage sévère,
À la lèvre boudeuse, à la parole austère.
Soir et matin il lui parlait raison,
Lui contait les prix Montyon,
La chronique parlementaire ;
La menait parfois au sermon,
Aux concours mensuels de l’école primaire ;
Lui lisait le journal, lequel ? je n’en sais rien ;
Ou les romans moraux, mais on n’en faisait guère :
Les éditeurs ne les payaient pas bien.