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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/667

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Le pamphlet politique a le même avantage,
S’il diffame surtout quelque grand personnage ;
Mais le plus beau triomphe est pour l’audacieux
Qui met toute sa gloire à démolir les dieux.
C’est une gêne au fond, pour la race mortelle.
Qu’un Dieu dont la présence, invisible, éternelle.
Nous suivant du berceau jusqu’à l’éternité,
Attente incessamment à notre liberté.
Il n’est pas de pécheur qui ne veuille connaître
Si ce Dieu qui l’effraye avait le droit de l’être,
Ou s’il peut, délivré de ce juge divin,
Sans crainte et sans scrupule exploiter son prochain.
Voilà quel est mon siècle, et de quelle lecture.
Chez un peuple blasé, l’esprit fait sa pâture.
Et comment aujourd’hui s’illustre et s’enrichit
Celui qui sait connaître et nourrir cet esprit.



Je rends pleine justice aux deux mille poëtes
Qu’ont, de la Meuse au Var, recensés nos gazettes.
Ce sont des gens de bien, pas plus fous qu’il ne faut.
Mais ils n’amusent point, et c’est un grand défaut.
Sait-on d’ailleurs quel rang, parmi nos industries.
Tient un art illustré par tant de beaux génies ?
Qui de sa noble tâche est resté convaincu ?
Qui sait sa vieille gloire, et qu’est-il devenu ?
J’en désespère, hélas ! et ma vieillesse encore
D’un meilleur avenir n’entrevoit pas l’aurore.
Je comptais sur le temps ; il n’a fait qu’empirer
Tous les maux qu’avec toi je viens de déplorer.