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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/680

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tournait de l’intrigue. Confinés dans la vie privée, ils devaient nécessairement rapetisser leur génie, chercher le succès, non plus par leurs bonnes qualités, mais par leurs mauvaises.

Je ne vois pas cependant que, chez les anciens, la médiocrité morale de la sagesse qu’Ésope prêche dans ses fables ait nui à la réputation du fabuliste et de ses apologues. Platon interdit, il est vrai, l’usage des fables pour l’éducation des enfants de sa république ; mais ce sont les fables d’Homère qu’il proscrit, et non pas celles d’Ésope, dont il ne parle pas. Il blâme les fictions de l’épopée, les dieux qui se battent contre les hommes et se querellent entre eux, les héros qui se lamentent et ne savent pas résister au malheur ; mais il ne condamne pas l’apologue.

Un philosophe qui voulait se faire passer pour un dieu ou pour un prophète, Apollonius de Tyane, blâme, comme Platon, les fictions d’Homère ; mais il loue beaucoup les fables, surtout celles d’Ésope, et il finit, pour mieux témoigner de son estime pour Ésope, par raconter, à la façon de Platon, une de ces légendes mythologiques que les Grecs aimaient toujours, même quand ils ne croyaient plus à leurs dieux, « Ménippe, dit Apollonius à son interlocuteur, qui dédaigne fort les fables d’Ésope, ses grenouilles, ses ânes, et renvoie tout cela aux enfants et aux vieilles femmes, — Ménippe, quand j’étais enfant, ma mère m’a raconté d’Ésope l’histoire que je vais te dire. Il était berger et gardait ses brebis près d’un temple de Mercure. Il était très-curieux de la sagesse et suppliait souvent Mercure de la lui accorder. Il y avait en ce temps beaucoup d’autres hommes qui faisaient la même prière à Mercure, et, quand ils allaient au temple,