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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/681

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à leurs prières ils ajoutaient diverses offrandes : l’un offrait de l’or, l’autre de l’argent ; celui-ci un caducée d’ivoire, celui-là quelque autre chose précieuse. Ésope, qui n’avait pas le moyen de faire d’aussi riches offrandes, et qui était bon ménager de ce qu’il avait, fit à Mercure une libation de lait ; mais il n’y mit que ce qu’il avait pu traire d’une brebis déjà tirée le matin. Il déposa sur l’autel du dieu des rayons de miel ; mais il n’en mit que ce qui pouvait tenir dans sa main. Il apportait aussi des pommes de myrte, ou des roses, ou des violettes ; mais il les apportait sans les ordonner en bouquets, et disait au dieu : « Est-ce qu’il faut, ô Mercure, que, pour te faire des guirlandes, je néglige le soin de mes brebis ? » Cependant arriva le jour fixé par Mercure pour distribuer la sagesse aux hommes. Se souvenant des offrandes de chacun, le dieu proportionnait la part de sagesse à la dépense faite par ses solliciteurs : « Toi, disait-il, qui as apporté beaucoup de richesses dans mon temple, tu auras en partage la philosophie ; toi qui n’as eu que le second rang pour l’abondance des offrandes, sois orateur ; toi, aie la sagesse de l’astronomie ; toi, tu seras musicien ; toi, tu excelleras dans le vers héroïque ; toi, dans le vers iambique. » Après que Mercure eut ainsi distribué toutes les parties de la sagesse, il s’aperçut qu’il avait oublié Ésope. Cherchant alors ce qu’il pouvait faire pour lui, il se ressouvint des fables que, lorsqu’il était encore au maillot et qu’on le nourrissait dans l’Olympe, les Heures venaient lui raconter, et dans lesquelles la vache parlait et l’homme écoutait. Ce souvenir lui fit voir qu’il avait encore quelque chose à donner à Ésope, et il lui donna d’inventer des fables ; c’était la seule partie de la sagesse qui restât à Mercure :