Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/77

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rageons leurs faibles essais, secourons-les de nos conseils, de notre bourse, de notre amitié, et n’oublions jamais que ce qu’il y a pour eux de plus difficile au monde, c’est le premier pas dans la carrière ! » — On peut dire qu’en écrivant ces lignes, M. Scribe traçait le noble programme de sa vie.

Dès les premières années de la Restauration, les efforts persévérants du jeune poète étaient récompensés, pas encore par la gloire, mais déjà par le bruit, puisqu’une de ses esquisses dramatiques obtenait les honneurs, assez rares alors, d’une émeute. C’était une pièce satirique dirigée contre un travers un peu puéril, mais qui vaut peut-être qu’on le rappelle comme un signe du temps. Les jeunes commis marchands de Paris s’étaient avisés, à cette époque, de s’armer d’éperons et de moustaches, emblèmes assez inattendus de leur profession pacifique. Scribe chansonna gaiement cette manie sur le théâtre, et une véritable tempête se déchaîna contre lui du fond des comptoirs. On l’accusa d’avoir outragé le sentiment national, et ces étranges patriotes, qui auraient pu avoir raison s’ils avaient chaussé leurs éperons un peu plus tôt, poursuivirent longtemps, de scène en scène, leur innocent ennemi, contre lequel ils avaient trouvé des armes plus sûres.

Peu de temps après que cet orage se fut éteint dans le rire public, quelques-uns des plus aimables ouvrages de Scribe venaient fixer les lois d’un genre où il excella, quoiqu’il dût lui-même un jour le dépasser. Les Deux Précepteurs, la Somnambule, Michel et Christine, l’Intérieur d’un bureau, inauguraient tour à tour cette série de comédies légères mêlées de chansons, qui devait populariser dans l’Europe