Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/87

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autant que personne il sait que, dans les limites du vrai et du possible, il y a un idéal généreux, qui est le romanesque des honnêtes gens, et cet idéal, il le propose, il le recommande sans cesse à ceux qui peuvent être tentés de le méconnaître ou de le dédaigner.

C’est ainsi que Scribe, interprète fidèle et convaincu des principes essentiels et des sentiments honorables de son public, ne fut jamais le flatteur ni le complaisant de ses préjugés ou de ses passions. Sa digne indépendance à cet égard n’apparut jamais mieux que dans cette partie politique et militante de son œuvre, où la vie sérieuse de l’histoire semble passer comme un souffle à travers les pages légères de la comédie. Sans doute, depuis le lendemain de 1815 jusqu’au lendemain de 1830, cette muse souriante a des notes de combat et de colère : sans doute Scribe, à cette époque, traduit et caresse volontiers les passions de cette foule qui l’applaudit ; c’est que ce sont de nobles passions et qu’il les partage. Qui lui reprochera d’avoir évoqué alors, avec une fière insistance, ces uniformes, ces symboles belliqueux, ces récompenses, ces enseignes, qui faisaient passer sous les yeux du patriotisme attristé l’ombre des grandes légions impériales, et retentir, dans le silence d’une paix douloureuse, les échos de cent victoires ? Et si, à la même heure, d’autres conquêtes encore plus précieuses à son gré, si sa dignité et sa chère indépendance lui semblent également perdues ou menacées, ne sera-t-il pas excusable d’apporter aux résistances et aux révoltes d’une opinion qui est la sienne tout le secours des armes dont son talent dispose ?

En revanche, au jour du triomphe, c’est contre le parti