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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/88

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victorieux auquel il appartient que Scribe tournera le plus volontiers les aspérités et les avertissements de la satire. Dès que la bourgeoisie est au pouvoir, il cesse d’en être le courtisan ; il en devient le conseiller, toujours amical, mais ferme, prudent, et quelquefois sévère. Sans prêter à Scribe, en effet, plus d’intentions, de mystères et de politique qu’il n’en voulut avoir, il faut bien retrouver, dans ses principaux drames de cette époque, à travers l’intérêt de la fable qui, pour lui, passe avant tout, le reflet très-marqué, l’impression très-accusée des circonstances historiques du temps, et la leçon, la moralité qui lui paraissent en sortir. Comment ne pas reconnaître dans sa charmante comédie de Bertrand et Raton la vive satire de cette fronde bourgeoise qui commençait, dès ce jour, à favoriser de sa complicité un peu débonnaire les émeutes d’en bas et les intrigues d’en haut ? Ne peut-on démêler avec la même vraisemblance quelques sérieux conseils sous l’enjouement étincelant de la Camaraderie ? En raillant spirituellement ce groupe de personnages qui, arrivés à la fortune, s’isolent dans leur succès, et prétendent fermer derrière eux les barrières qu’ils ont franchies, le poëte ne tenterait-il pas de rappeler à ses plus chers amis que le principe d’un large recrutement et d’une libre accession est le principe même de leur vie et de leur durable puissance ?

Cependant les temps ont marché : la fronde se fait plus violente et plus aveugle : les pouvoirs publics sont chaque jour entravés, attaqués par ceux qui semblent leurs appuis naturels. Scribe écrit la Calomnie. Qu’on me permette ici de lui laisser un instant la parole : on aimera peut-être à retrouver en quelques lignes toute une page d’histoire. La